Dans sa 52ème édition Solutions Manutention réunissait plusieurs fabricants et distributeurs pour évoquer un sujet d’actualité : l’énergie pour les chariots élévateurs. Alors que l’offre n’a jamais été aussi large quelle technologie choisir ? Comment combiner efficience, disponibilité opérationnelle et impact environnemental tout en maîtrisant les coûts ? En attendant la prochaine table ronde, qui traitera de l’évolution des chariots frontaux électriques, nous proposons ci-après une synthèse des échanges.
Vers la fin des motorisations thermiques ?
Certains fabricants croient manifestement en l’avenir des motorisations gaz ou diesel, soulignant les évolutions technologiques apportées à leurs gammes thermiques, en écho la nouvelle norme Stage V qui vise à réduire davantage les émissions de substances nocives.
Concernant la réduction des émissions de CO2 l’attractivité des biocarburants ne fait pas consensus et semble liée à la politique globale de l’entreprise : l’adoption d’un biocarburant pour les chariots élévateurs serait conditionnée par le fait que sa flotte de camions, ou d’autres matériels roulants, utilise déjà cette source d’énergie.
Dans une approche TCO les utilisateurs vont devoir tenir compte de probables hausses tarifaires liées aux dernières contraintes règlementaires, tant sur les coûts de fabrication du matériel que sa maintenance. L’évolution de la taxation carbone, qui sera portée à 100€ par tonne d’émission de CO2 en 2025, aura également un impact à intégrer dans l’équation.
Les chariots hybrides, combinant un carburant fossile (diesel ou gaz) avec de l’électricité stockée dans une batterie, ne semblent pas constituer une technologie alternative, laissant ainsi le champ totalement libre aux chariots électriques, énergie particulièrement décarbonée en France comparativement à ses voisins européens.
Un contexte qui a conduit certains fabricants à faire le choix de ne plus produire de chariots thermiques et d’assumer un positionnement « tout électrique », confortés par la dynamique de la transition énergétique opérée en 2016 et qui n’a jamais cessé de croître : en 2020, il s’est vendu 1,55 chariot électrique pour un chariot thermique.
Les batteries lithium-ion : des promesses, des questions…
La technologie au plomb est longtemps restée la seule alternative aux chariots thermiques, loin devant les batteries au gel ou au cuivre par exemple.
Face à des cycles de charge de près de 8 heures et des durées de vie assez limitées, la technologie lithium-ion a totalement bousculé les lignes et changé la donne : avec la possibilité de « biberonner » et des charges ultra-rapides la gestion de l’énergie promet d’être simplifiée et la flexibilité opérationnelle accrue.
Le coût des batteries lithium est de moins en moins un frein : il a été divisé par 3 au cours de ces dernières années alors la durée de vie de cette technologie promet d’être 2 à 3 fois supérieure à celle des batteries classiques.
L’obligation de salle de charge confère un avantage supplémentaire au lithium : le site devra être équipé si la puissance instantanée et continue dépasse 600 Kw alors que le seuil est fixé à 50 Kw pour les batteries au plomb.
Cependant, les participants reconnaissent être encore en phase d’apprentissage avec les batteries lithium : « on exploite plusieurs technologies différentes et l’accompagnement client est crucial pour garantir la disponibilité du parc », tout en précisant que les rendements peuvent varier significativement d’un environnement d’utilisation à l’autre.
Ainsi, la conduite du changement est un enjeu à intégrer pleinement pour sécuriser le passage au lithium: la gestion des recharges est à l’opposé de ce qu’ont appris les utilisateurs de batteries au plomb et la disponibilité du parc est conditionnée par la mise en charge des chariots aussi souvent que possible. Une discipline à adopter impérativement pour éviter de mettre l’activité en péril.
Également, les participants attirent notre attention sur les impacts en matière d’infrastructure : la technologie lithium nécessite de démultiplier les points de recharge et génère des appels de courant importants. Cela peut amener au redimensionnement de l’installation électrique et des contrats de fourniture d’énergie. Une dernière recommandation s’impose et c’est peut-être la plus importante : vérifier auprès de son assureur que les garanties couvrent l’utilisation de batteries lithium-ion !
….et des contradictions !
Pour le client, le « verdissement » d’une flotte de chariots élévateurs peut s’opérer à 2 niveaux : passer de motorisations thermiques à l’électrique puis de batteries traditionnelles au lithium-ion, qui présente en outre l’avantage de ne pas émettre d’hydrogène pendant les cycles de charge.
Mais, l’impact environnemental est loin d’être neutre : raréfaction des métaux, ressources limitées, consommation d’énergie liée à la fabrication et transports longue distance sont autant d’éléments à intégrer dans la mesure de l’empreinte écologique des batteries lithium.
Également, sur le plan du recyclage l’avantage reste aux batteries plomb qui peuvent être revalorisées à 99% contre 15% pour le lithium. Un aspect sur lequel la filière doit s’organiser sans attendre d’y être contrainte par la réglementation.
Cependant, les avis des professionnels convergent sur un point majeur : le bilan carbone est diminué de 90% avec des chariots électriques par rapport aux thermiques. Ils ajoutent que dans une approche globale ou « cycle de vie », c’est bien le lithium qui sort vainqueur, précisant que les impacts carbones ne se produisent pas au même moment par rapport aux batteries plomb.
Quel avenir pour l’hydrogène ?
Les chariots à hydrogène présentent des atouts nombreux, au premier rang desquels une énergie propre et sans dégagement de substances toxiques. Aussi, avec la possibilité de faire ‘le plein de carburant’ en quelques minutes la productivité est accrue : plus besoin de remplacer les batteries entre 2 postes ou de gérer des cycles de charge. Le chariot peut fonctionner 24h/24 !
Schématiquement, le chariot est équipé d’une pile à combustible qui crée une réaction entre hydrogène et oxygène pour produire de l’électricité.
Les participants rappellent que les piles à combustible utilisées dans la manutention sont équipées d’une batterie lithium pour gérer les composants et permettre leur fonctionnement. Également, ils soulignent que l’utilisation de chariots à hydrogène requiert 3 fois plus d’électricité que les modèles à batteries plomb ou lithium en raison de rendements beaucoup faibles.
Concernant l’avenir des chariots à pile à combustible, le principal enjeu réside dans la fabrication de l’hydrogène et plus spécifiquement de l’hydrogène vert (neutre en carbone), qui représente seulement 4% de la production totale à l’heure actuelle.
Concernant l’aspect financier le défi est également de taille : de la production de l’hydrogène à son stockage sur site en passant par le coût des chariots, il faut un parc important et fortement engagé pour rentabiliser les investissements. Finalement, l’essor de l’hydrogène pourrait être conditionné par la volonté des entreprises à combiner l’utilisation de cette source d’énergie entre ses camions et chariots pour réaliser des économies d’échelle.
L’émergence du lithium est un phénomène qui a pris de l’ampleur et dont la dynamique semble promise à un bel avenir.
Toutefois ce n’est pas une solution unique et il n’y a pas une technologie qui va remplacer toutes les autres, ainsi conclut un participant.